La féminisation et ses outrances

Soldes en tous genres

< mardi 11 janvier 2000 >
Chronique

Le mercato n'a pas pris fin (nous garderons jusqu'au bout l'espoir de voir le Racing Club de Lens engager Robert Pires : Danette chez Gervais, voilà qui ferait boire du petit-lait à plus d'un !) que l'on entre dans la période des soldes. Au masculin, s'il vous plaît, quand il serait acquis que lesdits soldes mobilisent en priorité la gent féminine. Une lectrice de Marcq-en-Barœul nous prie de le préciser ici, agacée qu'elle se dit de voir employer le féminin un peu partout, et ce jusque — horresco referens ! — dans son quotidien favori. Rendons-nous donc à son souhait et profitons-en pour rappeler que si le mot solde est bien féminin quand il désigne la rémunération des militaires (c'est d'ailleurs de là que soldats et soudards tirent leur nom), il est masculin dans les autres cas, et en particulier dans celui qui nous occupe. C'est qu'en dépit des apparences il ne s'agit pas du même mot. La solde dérive de l'italien soldo, « paye », lui-même issu du latin sol(i)dus, l'ancêtre de nos sous ! (On ne manquera pas de philosopher gravement sur le fait que ce qui était hier considéré comme du solide est aujourd'hui appelé liquide : décidément, tout s'en va à vau-l'eau...) Quant au solde, il descend — écoutez la différence — de l'italien saldo, « chose solide » (encore !) et, dans son acception financière, « différence entre débit et crédit ». On comprend pourquoi, très vite, ce solde-là — qui s'est d'abord écrit saulde et, l'honneur est sauf pour nos contrevenants d'aujourd'hui, a été féminin pendant plus d'un siècle — a désigné ce qu'il restait à payer sur un compte puis, par extension, une marchandise vendue au rabais. Pour autant, ne nous berçons pas d'illusions : ces précisions étymologiques n'auront pas raison de nos mauvaises habitudes, lesquelles nous poussent, à titre de compensation sans doute, à « masculiniser » la moustiquaire... alors même qu'il n'y a que les femelles qui piquent ! Il est à craindre que, sous la pression de l'usage, le solde ne connaisse un jour le même sort que l'alvéole, hier farouchement masculin, désormais résolument féminin. Qui a dit que la femme était l'avenir de l'homme ?