Cris et chuchotements à Cannes

Un palmarès qui a fait du bruit

< mardi 1er juin 1999 >
Chronique

Parisianisme ? Crime contre... l'Humanité ? Que l'on ne compte pas sur nous pour juger du bien-fondé des sifflets qui ont salué le verdict cannois, il y a quelque huit jours. Quoique le fait de n'avoir pas vu le film du Bailleulois Bruno Dumont nous place, c'est bien connu, dans les meilleures conditions pour en parler, nous n'outrepasserons pas les limites de nos compétences supposées, nous contentant ici de nous extasier devant la fécondité de notre langue dès lors qu'il lui faut traduire... le chahut ! C'est, d'abord, ce très littéraire tollé, lequel remonterait à la condamnation de Jésus : le premier tolle hunc (en latin, « prends-le ») aurait en effet été poussé par les Juifs qui réclamaient la tête du Christ à Ponce Pilate ! Plus proche encore des origines, le faussement onomatopéique tohu-bohu, qui désignait dans la Genèse le chaos précédant la Création... avant que Rabelais n'en fît deux îles dans son Quart livre ! C'est encore une formule de prière juive (barukh habba, « béni soit celui qui vient ») qui, mal perçue par ceux qui n'entendaient pas l'hébreu, aurait donné naissance à notre brouhaha. Tout aussi incertains s'avèrent charivari (du latin caribaria, mal de tête ?) et hourvari, terme de vénerie où se croisent sans doute hou et hari, cris destinés à exciter les chiens de la meute. Il faudrait encore évoquer le tintamarre (tintement intempestif, eu égard à la connotation péjorative du suffixe mar, en ancien français ?) ; le ramdam, déformation de l'arabe ramadan — en raison du tapage nocturne qui fait suite au jeûne ; sans oublier un vacarme aux allures certes plus sobres mais à l'étymologie non moins tarabiscotée : il se serait agi primitivement d'une plainte en néerlandais, Wach arme (« hélas ! pauvre que je suis ! »). Lamentation qu'à coup sûr nos deux prix d'interprétation, fussent-ils de purs Flamands, se seront gardés de reprendre à leur compte... Décidément, orthographe, loto ou cinéma, Hazebrouck prédispose aux contes de fées, et c'est un certain juge Ceccaldi qui doit se mordre les doigts d'avoir un jour refusé d'y officier. À l'heure qu'il est, nul doute qu'il serait garde des Sceaux !