Participe présent et adjectif verbal

En toute chose, sachons rester positifs ! Certes, les réponses avancées lors de ce micro-trottoir peuvent parfois paraître brouillonnes, voire confuses, mais il ne s’en dégage pas moins deux constatations rassurantes.

La première c’est que l’on sait identifier un participe présent : il s’agit, presque tous l’ont dit, d’une forme en -ant, et les exemples proposés (marchant, mentant, chantant) sont tout à fait recevables, même si, quand le participe présent est précédé de en, on a plutôt tendance à parler de gérondif.

La seconde, c’est que l’on en fait clairement une forme verbale, ce qui, là encore, est rigoureusement exact. Précisons tout de même qu’il ne s’agit pas d’un temps, comme on l’a entendu dire un peu abusivement çà et là, mais d’un mode, au même titre que l’indicatif, le subjonctif ou l’infinitif, nous aurons l’occasion d’y revenir. Voilà pour le positif. Le reste, il faut bien l’avouer, est un peu plus flou !

Première difficulté : comment le situer dans le temps ? Pour d’aucuns, il est à rejeter dans le passé ; pour d’autres, il décrit une action présente. En fait, le participe présent est un peu tout ça à la fois, puisqu’il exprime une action en train de s’accomplir à la même époque que celle qu’exprime le verbe qui l’accompagne. Il peut donc s’inscrire dans le présent (Je le vois jouant son rôle), dans le passé (Je l’ai vu jouant son rôle), et même dans le futur (Je le verrai jouant son rôle). En fait, l’action décrite par le participe présent est simplement simultanée à celle décrite par le verbe conjugué. Elle peut quelquefois lui être antérieure (Ayant ainsi répondu, il quitta la scène), mais il faut alors avoir recours à la forme composée du participe passé, ce qu’une des personnes interrogées appelait tout à l’heure, d’une façon qui, a priori, peut paraître cocasse mais qui n’était pas pour autant dénuée d’intuition, « le participe présent passé » !

Deuxième difficulté : ce participe présent est-il susceptible de s’accorder en genre et en nombre ? La réponse, on s’en est rendu compte, est majoritairement non... mais elle s’accompagne de bien des hésitations !

C’est qu’il ne serait pas totalement illogique de faire l’accord, le participe présent étant un peu la forme adjectivale du verbe, en ceci qu’il qualifie un terme de la proposition. On l’a d’ailleurs fait par le passé, et notre langue conserve de cette ancienne habitude quelques traces, par le biais de certaines expressions figées : séance tenante, la partie plaignante, ou encore les ayants droit et les ayants cause, que nos amis juristes continuent, par tradition, à écrire ayants. Mais voilà plus de trois siècles (la chose remonte à 1679, pour être précis) que l’Académie française a décrété l’invariabilité du participe présent. Ce en quoi elle a bien fait, nous avons assez de problèmes comme cela avec le participe passé !

Seulement attention : il est une autre forme en -ant qui ressemble comme deux gouttes d’eau à notre participe présent, et qui, elle, s’accorde. Nous voulons parler de l’adjectif verbal. Mais pas d’affolement devant ce coup de théâtre : le petit monde des planches va nous en dire plus...

 

Alors ? Cette distinction entre participe présent et adjectif verbal n’a plus de secrets pour vous ? Bénis soient ces comédiens qui, plutôt que de se lancer dans des explications toutes théoriques, vous proposent quelques ficelles, quelques trucs pour vous y retrouver. Le grammairien vous aurait dit que l’on reconnaît aisément l’adjectif verbal au fait qu’il n’exprime pas, comme le participe présent, une action passagère, nettement délimitée dans le temps, mais un état durable, une qualité plus ou moins permanente. Il vous aurait démontré que dans la phrase « Les comédiens, obéissant au metteur en scène, ont repris la tirade », obéissant est un participe présent, puisqu’il s’agit là d’une obéissance ponctuelle à un ordre précis ; alors qu’au contraire, dans la phrase « Les enfants obéissants deviennent rares », obéissants est un adjectif verbal, dans la mesure où l’on fait allusion à une caractéristique plus profonde de l’individu, indépendante des circonstances. Mais peut-être vaut-il mieux, en effet, qu’en cas d’hésitation vous remplaciez les mots masculins par des mots féminins et que vous fassiez confiance à votre instinct : celui-là vous trompe plus rarement que vous ne le croyez !

Un dernier mot, peut-être, pour rappeler que, dans une formule de politesse, le participe présent apposé doit obligatoirement s’appliquer au sujet de la proposition. Il est en effet incorrect d’écrire, comme on ne le voit malheureusement que trop souvent au bas de certaines lettres : « Espérant une réponse favorable, veuillez agréer, Monsieur... ». C’est en effet l’expéditeur qui espère, alors que veuillez renvoie, de toute évidence, au destinataire de la lettre ! Si vous tenez à votre participe présent, écrivez bien plutôt : « Espérant une réponse favorable, je vous prie d’agréer, Monsieur... » Une formule de politesse doit aussi se montrer polie... envers la grammaire !

 

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