L'accord des adjectifs qualificatifs

Un bon point pour nos interviewés du jour : on se souvient grosso modo de ce qu’est un adjectif qualificatif ! Il est vrai que la question ne comptait pas parmi les plus ardues et que la forme même du mot est de nature, le cas échéant, à ranimer les mémoires les plus défaillantes : cet adjectif vient manifestement s’adjoindre, autrement dit s’ajouter au nom pour qualifier ce dernier, exprimer une qualité de l’être ou de la chose qu’il désigne. Les choses se sont d’autant mieux passées que l’on s’est bien gardé d’aller sonder les reins et les cœurs sur la distinction entre épithète et attribut, que certains, l’exploit n’est pas mince et mérite ici d’être salué, ont pourtant évoqués spontanément ! Profitons-en pour rappeler que l’épithète, qui peut à tout moment être retirée de la phrase sans dommage pour celle-ci, se rattache directement au nom (un joli garçon, comme le suggérait avec gourmandise l’une de nos représentantes du beau sexe), alors que l’attribut le fait par l’intermédiaire d’un verbe (ce garçon est joli). La question de l’accord de l’adjectif n’était guère plus épineuse dans la mesure où, chacun le sait, l’adjectif n’ayant ni genre ni nombre en soi, il reçoit tout naturellement ses marques du nom auquel il se rapporte. Mais les exceptions ne sont pas rares, comme vous allez pouvoir le constater tout de suite...

 

Avouez que vous en avez vu là de toutes les couleurs, et que la complexité du français n’a pas fini de vous étonner ! Cela dit, gardez-vous de broyer du noir et félicitez-vous bien plutôt de la précision d’une langue qui distingue les robes bleues et blanches des robes bleu et blanc : les premières, vous êtes désormais en mesure de le comprendre, sont de couleur unie, entièrement bleues ou entièrement blanches ; les autres contiennent à la fois du bleu et du blanc. Autre raffinement qui ne vous aura pas échappé, nous en sommes sûr : ce trait d’union que l’on glisse entre deux véritables adjectifs de couleur (des yeux bleu-vert ou gris-bleu), mais que l’on se garde bien de mettre quand le second élément est un nom (des cheveux rouge carotte) ou un adjectif qui ne serait pas lui-même de couleur (des sacs marron foncé). Après de telles précisions, notre pompier a toutes les chances d’être reçu à son concours de brigadier-chef, à condition toutefois qu’il se souvienne (car cette règle ne faisait visiblement pas partie de son programme de révisions) que l’adjectif ne s’accorde pas quand il a valeur d’adverbe : la maquilleuse-costumière travaille dur, elle parle haut (et non pas haute, bien sûr). Quant à ses leçons, elles ne coûtent pas cher. Mais vous aviez déjà senti que ces adjectifs-là étaient unis étroitement au verbe, beaucoup plus qu’au nom, et qu’à ce titre ils se devaient de rester invariables... Votre instinct et votre sens de la langue jouent heureusement dans ce cas ! Dans le même ordre d’idées, quel est l’homme qui dira d’une femme qu’elle est fine prête ? Vous direz, monsieur, qu’elle est fin prête, si toutefois vous avez l’occasion de le dire, car ces dames sont si souvent en retard !

Nous nous en voudrions pourtant de tourner la page des adjectifs sans dire un mot de trois d’entre eux, numéraux ceux-là, ne serait-ce que parce qu’ils nous donnent des sueurs froides chaque fois que nous avons à libeller une somme en toutes lettres. Ces trois faux frères sont vingt (attention à la prononciation de ce terme, chers amis du nord de la France : le « t » final ne se fait pas entendre !), cent et mille. Si la réputation du troisième est bien surfaite dans la mesure où, adjectif numéral, il est toujours invariable (que vous le multipliiez par dix ou par cent, il reste égal à lui-même et s’écrit toujours mille), il en va tout autrement des deux premiers, dont le comportement est, reconnaissons-le, pour le moins capricieux : multipliés, ils prennent en effet la marque du pluriel (quatre-vingts, trois cents), mais c’est pour la perdre dès qu’ils sont suivis d’un autre adjectif numéral. C’est ainsi que dans quatre-vingt-neuf et trois cent soixante, vingt et cent, bien qu’ils soient multipliés, s’écriront sans « s ». Attention, toutefois : millier, million et milliard n’étant pas des adjectifs numéraux mais des noms, ils n’ont aucune influence sur les vingt ou les cent qui les précédent. Ceux-ci conserveront donc leur « s » s’ils sont multipliés : quatre-vingts milliers, trois cents milliards.

Quand la chose n’aurait rien à voir avec cette leçon sur les adjectifs, mais puisque nous en sommes à vous aider à remplir vos chèques sans fautes, tâche quotidienne s’il en est, précisons encore que le trait d’union ne se met qu’entre deux nombres strictement inférieurs à cent : il s’imposera donc dans quatre-vingts mais pas dans trois cents. On n’en mettra pas non plus dans vingt et un, trente et un, etc., dans la mesure où ledit trait d’union est alors suppléé par et. Vous êtes devenu incollable sur l’écriture des grands nombres ? On va vérifier cela tout de suite. Munissez-vous d’un stylo et écrivez, en toutes lettres bien sûr, la somme suivante : six cents millions trois cent quatre-vingt-seize mille neuf cent quatre-vingts francs. Et si d’aventure ce que vous avez écrit n’était pas identique, au trait d’union près, à ce que vous trouvez en incrustation, au bas de cet écran, appuyez sur la touche retour de votre magnétoscope et écoutez-moi de nouveau : un détail a pu vous échapper !

 

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