Introduction
Plutôt réconfortantes, finalement, les réactions de l’homme de la rue ! Il était à craindre, en effet, qu’à cette époque où la communication se fait chaque jour plus rapide, plus facile, l’image ait irrémédiablement précipité l’écrit dans les oubliettes de l’histoire. Que la grammaire n’apparaisse plus, pour reprendre l’expression bien connue de Montesquieu, que comme « une vieille idole qu’on encense par habitude ». À supposer que l’échantillon qui nous a été proposé ici soit représentatif de la population — et nous n’avons a priori aucune raison d’en douter —, à supposer encore que les réponses soient toujours sincères et ne sacrifient pas, chez certains, à ce que nous appellerions volontiers le « culturellement correct », il semblerait, ô divine surprise ! qu’il n’en fût rien.
Dans cette société qui a imposé la parole jusqu’au vertige, l’écrit, loin d’être condamné, continue d’être plébiscité. À y bien réfléchir, la chose est peut-être moins paradoxale qu’il n’y paraît. Ne nous fournit-il pas des repères sûrs, fussent-ils souvent mal connus, dans un environnement qui en manque de plus en plus cruellement ? N’est-il pas un gage irremplaçable de stabilité, le seul au fond dont nous disposions, au sein d’un monde qui, certes, nous fascine, mais dont nous nous dissimulons de moins en moins le caractère superficiel ? L’écrit, qui ne le sentirait à travers les propos enregistrés lors de ce micro-trottoir, est vécu comme un recours, peut-être même comme un refuge.
Quant à la grammaire, si exigeante qu’elle soit, si rébarbative qu’elle paraisse — presque toujours à tort —, si obsolète qu’on la dise, n’est-elle pas, en tant que code dont il serait vain de nier les imperfections de détail, la garantie d’un langage commun à une époque où, de plus en plus, l’on éprouve des difficultés à se comprendre et à s’accepter ? « L’orthographe, affirmait Jean Guéhenno, est la politesse de la langue ». Quand il ne s’agirait que de cela, les efforts que vous vous apprêtez à fournir ne seraient pas consentis en vain.
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